Ce que nous proposons est un vaste changement de paradigme, accompagnant ou autorisant une modification profonde de la façon dont les gens appréhendent la société, la vie ensemble, l’économie. Il n’en reste pas moins qu’une telle mutation doit aller de concert avec des politiques plus conventionnelles et une planification sur des sujets plus ciblés, comme l’énergie, l’agriculture, les transports, etc. Nous brossons ici quelques actions qui nous semblent indispensables sur plusieurs thèmes importants, en particulier concernant l’environnement. Ces actions ne sont qu’esquissées et demandent à être détaillées.
Agriculture, alimentation, santé : ce volet essentiel est traité plus en profondeur ici.
Transport : le transport routier représente à lui seul près du tiers de toutes les émissions territoriales de gaz à effet de serre1. Il est essentiel de réduire drastiquement l’utilisation des véhicules particuliers2, sans pour autant pénaliser les ménages plus modestes ou dépendant de la voiture, en imaginant d’autres mobilités, en renforçant le maillage territorial de transport public, et surtout en repensant l’aménagement du territoire (la relocalisation régionale que nous prônons devrait y aider)3. Par ailleurs, il n’est pas concevable de continuer à subventionner le secteur aérien4 tant celui-ci est inégalitaire et polluant au regard du faible nombre de passagers transportés : il faut au contraire chercher à le réduire fortement.
Énergie : l’électrification des usages est en route et ne semble pas prête de s’arrêter. Malgré l’effort considérable et indispensable qui doit être réalisé sur la performance et la sobriété5 (rénovation énergétique, réduction des usages, etc.), la consommation d’électricité restera élevée. Les déchets6 et les risques de la filière nucléaire7, son coût8, ses délais de construction9 ainsi que la perte de savoir-faire national10 semblent rendre la construction de nouvelles centrales inadaptée aux objectifs climatiques11. Le déploiement des énergies renouvelables apparaît ainsi plus pertinent, combiné à une forte sobriété permettant de limiter les ressources utilisées.
Adaptation au changement climatique : quelles que soient les mesures prises et les scénarios envisagés, le changement climatique, d’ores et déjà présent, va s’accentuer. Il est donc nécessaire que les villes s’adaptent afin de fournir une qualité de vie décente à leur population : rénovation thermique des bâtiments, suppression des îlots de chaleur, végétalisation, mixité des usages, agriculture urbaine, lutte contre les exclusions et la pauvreté, etc.
Services publics : accessibles uniformément par toute la population, ils renforcent l’égalité sociale et permettent de sortir une partie de l’économie de la logique marchande. Or la politique de privatisation ou de coupe budgétaire des dernières décennies a dégradé leur qualité et leur accessibilité12 (distance, coût, etc.). Se pose également la question de l’attractivité de certains territoires, désertés notamment par les professions médicales. Face à ces constats, nous jugeons nécessaire d’améliorer la qualité des services publics, leur répartition territoriale et leur densité.
Immigration et sécurité : le renforcement des liens sociaux induit par nos différentes mesures devrait permettre d’améliorer la cohésion et l’insertion des minorités, et de considérer à nouveau l’immigration comme une richesse13.
Production et publicité : nous avons jusque-là axé quelques-unes de nos mesures sur l’amélioration (et la réduction) de la consommation. Cependant, dans le capitalisme moderne c’est souvent la production qui oriente la consommation, car il s’agit pour les entreprises de croître, c’est-à-dire de produire et vendre toujours plus. Cette logique devrait être largement atténuée si les entreprises appartiennent à leurs employés (cette mesure est décrite à la section sur la démocratisation). Mais pour plus d’efficacité, il paraît essentiel d’initier une réflexion de fond sur le marketing et la publicité qui sont les vecteurs permettant cette fuite en avant commerciale.
Culture : plus de temps à soi signifie également plus de temps pour la culture et le sport, secteurs qu’il convient donc d’accompagner pour une meilleure égalité d’accès. Pour la culture en ligne, on pourra réfléchir à une forme de « mécénat global14 » qui a l’avantage de rémunérer justement les artistes sans nuire à la diversité ni à la libre diffusion.
Indicateurs : une partie de la situation actuelle est due à la recherche de la croissance économique à tout prix, mesurée à l’aune du PIB. Cette boussole nous emmène ainsi dans la mauvaise direction et il faut donc impérativement prendre en compte d’autres indicateurs : mesure des inégalités, du bonheur, qualité de l’environnement, de l’éducation, la santé, etc.

- Source : CITEPA, 2024. ↩︎
- Y compris les véhicules électriques qui, en l’état actuel de la technologie et au rythme de production nécessaire pour la demande actuelle de véhicules, ne sont pas soutenables pour les ressources. ↩︎
- Le livre de Ludovic Bu, Tout-voiture. On arrête tout et on réfléchit (Rue de l’Échiquier, 2024) offre une réflexion précieuse à ce sujet. ↩︎
- Lire par exemple ce rapport de la Fnaut sur les subventions au secteur aérien, 2019. ↩︎
- On pourra à ce sujet lire par exemple le scénario et les mesures de l’association Négawatt (2022). ↩︎
- Lire par exemple Le Droit du sol, Étienne Davodeau, Futuropolis, 2021. ↩︎
- Est-il nécessaire d’évoquer Three Mile Island, Tchernobyl ou Fukushima ? ↩︎
- Selectra (2018) estime à environ 90 €/MWh le coût de l’électricité qui sera produite par l’EPR de Flamanville, et probablement davantage à cause de l’explosion des coûts de construction (19 milliards d’euros selon la Cour des comptes, au lieu des 3,4 milliards d’euros prévus initialement), contre de l’ordre de 60 €/MWh pour le solaire et l’éolien (Ademe, 2020). ↩︎
- 18 ans de travaux pour l’EPR de Flamanville (12 ans de retard). Ce délai est incompatible avec l’urgence climatique. ↩︎
- Lire Public Sénat, 2022. ↩︎
- Les principaux éléments du débat sont bien décrits dans le livre Nucléaire, stop ou encore ? d’Antoine de Ravignan (Les petits matins, 2022). ↩︎
- Voir par exemple ce rapport du collectif Nos services publics. La suppression de services publics est vécue comme un déclassement de la part de la population (source : Le Monde, 18/06/2024). ↩︎
- Lire à ce sujet l’excellent essai « On ne peut pas accueillir toute la misère du monde. » En finir avec une sentence de mort de Pierre Tevanian et Jean-Charles Stevens (Anamosa, 2022). ↩︎
- Le concept est expliqué sur cette page Wikipédia. Contre une libre utilisation des œuvres en ligne (musique, films, etc.), chaque internaute s’acquitte d’un montant annuel fixe, qu’il choisit librement d’allouer aux mouvements artistiques qu’il souhaite soutenir. Les sommes non fléchées sont réparties équitablement entre tous les artistes pour soutenir la nouveauté. ↩︎
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